• Chapitre 1

     

         

     

     

          L'air sur mon visage me faisait sourire. J'avais la sensation d'être vivante, libre, moi-même. Je n'étais plus l'une d'entre eux, j'étais cette fille, simple, humaine qui n'obéissait pas aux ordres. Qui n'était pas une machine contrôlée, emprisonnée entre quatre murs, totalement seule et dévastée.
           Je savais que je n'étais pas autorisée à monter jusqu'ici, que c'était dangereux. Mais derrière ce globe qui encerclait notre ville, je pouvais voir le ciel. Il n'était ni bleu ni gris ni rose. Plutôt noir avec de légers rayons de soleil. Malgré tout, la ville était très éclairée comme si c'était naturel alors qu'on savait tous que ce n'était que superficiel. Un faux soleil, une fausse lune ; on nous bernait et ça nous
    plaisait...Apparemment.
           Mais voir les voitures volées n'étaient pas une activité ennuyante. Non, c'était même amusant et très étrange. Quand on pensait que, nous, piétons, étions au sol et eux dans l'air. Enfin air...C'est un grand mot. Nous avions des éoliennes pour l'électricité et quelques arbres encore en vie pour nous aider à respirer. Il y avait de l'herbe mais les prairies, les champs, étaient tous détruits, sans vie. Ici, à Rosven, autrefois  nommée New-York, nous vivions dans des conditions de vie plutôt agréable contrairement à d'autres qui étaient dans la misère. Les autres, on les nommait les infectés, les rejetés, les sans importance. Ils n'existaient pas, pour nous, ils étaient du passé. Pouvant se faire contaminé par le nouveau virus à n'importe quel moment. Mourir à n'importe quelle heure. Ça ne prévenait pas, ça arrivait, point et nous, nous en étions privilégiés. Cette grosse boule de verre nous protégeait d u monde extérieur. Personne ne pouvait entrer, personne ne pouvait sortir, excepté ceux qui connaissait et avait battis les plans de constructions. Autrement dit : mon père. Mais il m'avait toujours caché la vérité, peut-être pensait-il que je prendrais la fuite. Depuis toute petite, il savait que j'aimais l'aventure et que je haïssais rester enfermée. Il riait toujours en me disant que j'étais une vraie rebelle. Mais ça n'existait plus, ces instants de joie entre nous. J'avais grandis, lui aussi.
           Quant à ma mère, c'était une toute autre histoire. Tout ce qu'il y avait à savoir c'était qu'elle était aveuglée par l'amour qu'elle portait à son mari. Il ne l'a jamais aimé aussi fort qu'elle, et si le cas contraire a eu lieu alors je ne devais pas encore être née.
           Je soupirais en fermant les yeux. Dans deux heures j'avais dix-neuf ans et j'allais devenir une adulte. Je devais choisir entre suivre la voix de mon père ou la mienne. Mais je n'avais pas beaucoup de choix, je n'étais pas intelligente ni particulièrement forte. J'étais douée en dessin, en chant, en musique, en écriture. Rien d'utile pour cette ville, rien qui pouvait me permettre de gagner ma vie. Il aurait fallu que je sache construire des maisons, cultivés des légumes et des fruits, être douée en maths. Je n'étais rien de tout ça, je n'avais jamais voulu l'être. Pourtant j'avais essayé, oh oui, j'avais essayé !
             Du haut de ce gratte-ciel, d'ailleurs le plus gigantesque de Rosven, je pouvais voir le quartier d'affaires, là où mon père travaillait. Je me demandais ce qu'il faisait à cet instant précis. Si les gardes ou plutôt les robots-gardes, l'avaient avertis de ma fuite. S'ils savaient où j'étais et si j'allais être réprimandée, encore ! Bien que ce genre de règles m'amusaient plus qu'autre chose. Je ne regardais pas la télé. De toute manière, avec le globe, personne ne la captait vraiment et plus rien ne passait. Plus de matchs puisqu'il n'y avait aucune équipe d'aucun quelconque sport. Plus d'acteurs, d'actrices, ni de réalisateurs ou de producteurs, ce qui signifiaient plus de nouveaux films. En vérité, je n'avais jamais connu cela. On m'en avait de nombreuses fois parlés mais sans plus. Je suis née bien après le chaos. Même si mon petit-frère s'amusait souvent à interpréter des soldats ou des princes. Il disait qu'un jour il gouvernerait le monde et qu'il rendrait la planète plus belle, que personnes ne seraient malheureux. Il voulait faire le bien, il ne voulait pas être comme son père. Celui-ci n'était pas cruel, loin de là mais il n'était pas non plus généreux. Il pourrait donner des rations aux pauvres, en faire livrer mais son cœur n'était pas assez chaud pour ça.
            Je m'approchais du bord de l'immeuble pour y regarder le vide. J'adorais sentir le vent sur mon visage et cette hauteur. On m'a dit qu'autrefois les manèges à sensation existaient et que ça envoyait à notre corps beaucoup d'adrénaline, que c'était plaisant et divertissant. J'aurais voulu qu'il y en est aujourd'hui. Mais en attendant, je me contentais de cela.
            Je me mis de dos et écartais mes bras, tout en penchant ma tête en arrière. Je fis quelques pas, juste ce qu'il faut pour ne plus sentir la matière solide sous mes pieds.  Lorsque mon corps chuta, tout disparut. La sensation de mon cœur battant la chamade me fit sourire. C'était un peu effrayant parce que j'avais des difficultés à respirer à cause de l'air qui s'infiltrait beaucoup trop vite dans mes poumons. Mais j'aimais ça et cette joie que je ressentais en tombant ne diminuait jamais. J'ouvris les yeux ; les fenêtres défilaient à une vitesse hallucinante, qui s'accordait à l'allure de ma descente. L'air qui fouettait mon visage me fit échapper quelques larmes mais ce n'était pas de la tristesse, au contraire. J'avais froid et chaud ce qui accentuait mes émotions. Extase, adrénaline, peur, tout se mélangeait en un tourbillon de sentiments doux, agréable, qui me fit tout oublier. C'était bon, trop bon.
            Je regretta le moment où mon enveloppe charnelle rencontra l'élastique qui était accroché à quatre poteaux sur un trottoir inutilisé. Je poussais un cri de victoire tandis que je rebondissais encore et encore pendant quelques minutes. Je riais au moment où le visage de mon père apparut dans mon champ de vision. Il m'aida à me sortir du filet et agrippa violemment mon bras.
     

     
    -Combien de fois t'ai-je dit de ne pas faire cela ? C'est dangereux !
     

     
           J'ai eu envie de lui dire que j'allais être majeure, qu'il ne pouvait plus m'empêcher de faire ce que j'avais envie de faire. Mais il me rabâchait sans cesse que, même s'il y avait des règles, avant, la majorité venait à vingt-et-un an dans notre Pays. Il avait instauré ces règles. Il ne les respectait même pas. D'ailleurs, je n'avais jamais compris pourquoi est-ce qu'il avait choisis cet âge là.
            A la maison, tout était calme. Mon petit frère devait être en cours et ma mère devait être en train de s'occuper de ses patients. Elle était médecin, un très bon médecin et le seul de la ville. Autant dire que ce n'était pas simple. Je l'aidais quand je le pouvais, ayant quelques notions dans ce métier. Je n'étais pas aussi douée qu'elle mais je l'assistais depuis des années. Peut-être allais-je reprendre le relais...Même si ce n'était pas mon envie première.
           Mon père m'obligea à m'asseoir sur notre canapé blanche immaculé.  Il fit les cents pas, les bras croisés avant de passer une main dans ses cheveux. Je le regardais simplement, jambes croisées et j'attendais.
     

    -Sébastian veillera sur toi à partir de maintenant.
    -Il me suivra jusqu'aux toilettes ? Soupirai-je.

    -Si cela est nécessaire, oui.
    -Même sous la douche ?
    -Arrête tes bêtises !
    -Alors...Me suivre aux toilettes c'est autorisés mais sous la douche, non. C'est tout à fait logique.
    -Suffit ! Va dans ta chambre.
    -Il faudrait peut-être que j'attende le retour de mon Sébastian bien aimé, tu ne crois pas ? Dis-je sarcastiquement.
     

           Il me lança le fameux regard qui était censé m'effrayer et me faire obéir. Mais ce truc n'avait fonctionné que quelques temps.
     

    -Très bien, soupirai-je. Dis à Sébastian que je l'attends patiemment.

     
           Sur ces dernières paroles, je pris le grand couloir qui me menait à mon antre. J'aurai pu claquer la porte mais je n'étais plus une adolescente en pleine crise. J'allais avoir dix-neuf ans. Oui, dix-neuf ans. Je méditais là-dessus en m'écroulant sur mes draps frais qui sentait bon la lessive et regardais le plafond. J'avais acheté des étoiles qui brillaient la nuit, elles m'aidaient à m'endormir, les regarder me relaxait. J'avais également une vue sur la ville depuis la baie vitrée mais je m'en lassais. Toutes ces voitures volantes, ces faibles lumières qui ne fonctionnaient qu'une fois sur deux.

     
    -Alors comme ça, on est désobéissante ?

     
           Je me redressais et faisais face à cet homme musclé, grand d'environs un mètre quatre vingt-quinze et les cheveux blonds. Sébastian. Il était le seul en qui je portais une grande confiance, que j'appréciais réellement. Il était gay. D'apparence, on ne pensait pas mais c'est parce que mon père avait interdit les relations homosexuels. Il n'était pas homophobe, il voulait juste améliorée la reproduction pour qu'ainsi la race humaine ne meurt jamais. Comme si ça pouvait être le cas ! Il virait des tas de gens, les laissant mourir de faim et il en obligeait d'autres à procréer.
     

     
    -Je savais que mon père allait t'assigner à moi, je n'ai pas pu résister, comprends-moi !
    -Quand vas-tu grandir ?
    -Quand tu avoueras à mon père que tu mates son garde du corps pendant l'entraînement. Quand il dégouline de sueur, qu'il retire son t-shirt, qu'il...
    -Tu trouves ça drôle ? Parce que moi pas. Tu sais très bien que je pourrais me faire bannir rien que par le fait d'y penser. Tu dois être discrètes, tu as promis.
    -Il ne te bannira jamais, il tiens beaucoup trop à toi. Tu es comme son fils.
    -Oh, il le fera, crois-moi ! Il bannirait sa propre fille s'il le fallait.
     

     
           Je me crispais face à ses paroles. Il avait probablement raison.
     

    -Je suis désolé, je ne voulais pas t'effrayer, dit-il en s'asseyant au bord du lit, mais tu dois respecter les règles et cela devient primordiale au vu de l'arriver de tes dix-neuf ans. Il ne sera plus ton tuteur, tu seras indépendante, tu vivras seule et ... Il faut juste que tu apprennes.
     

           Apprendre, je savais le faire ça, j'étais une as en la matière. Je soupirais avant de m'affaisser sur mon lit, emportant Sébastian à ma suite.
     

    -Tu peux me rendre un service ?
    -Ce que tu veux.
    -Tu pourrais ne pas me suivre jusqu'aux toilettes ?
     

          Il partit dans un fou rire incontrôlable que je ne pus m'empêcher de copier. Il était adorable quand il ne prenait pas son air de garde du corps sans émotion. Un visage d'enfant sur un corps d'adulte. Je me cala dans ses bras et ferma les yeux quelques instants. Jusqu'à ce que j'entende des cris qui provenaient du salon. Je n'y prêtais guère attention, à l'inverse de Sébastian qui se leva.

     
    -Non, reste, on s'en fiche, dis-je en le retenant par la main.
    -Désolée princesse mais je dois aller voir ce qu'il se passe.
     

          Je fis la moue au surnom qu'il me donnait. Il savait très bien que j'avais en horreur ce mot et il adorait s'en jouer. Mais je ne pouvais pas lui en vouloir bien longtemps. Contrairement au fait qu'il m'abandonna à mon triste sort. Je détestais être seule entre quatre murs. Même dans ma chambre.
    Au bout de quelques minutes, je m'étais décidée à rejoindre le brouhaha dans la pièce adjacente. Je vis ma mère se disputer avec mon père qui faisait des grands gestes théâtrales, digne d'un chef d'orchestre. Ma mère bougeait son index dans tous les sens en le pointant.
     

    -Ce n'est qu'un enfant, tu ne peux pas le bannir !
     

          Derrière la fenêtre où ils se trouvaient, je voyais les véhicules accélérer le mouvement. L'heure du déjeuner devait probablement arriver. En regardant l'horloge accrochée au mur sur ma gauche, je remarquais qu'en effet, elle arrivait.
     

    -Je suis désolée, nous n'avons pas le choix. Tu sais très bien que cette décision est aussi difficile pour moi que pour toi. Je l'aime mais... Il est un danger, à présent.
     

           Je haussais les sourcils. De quoi parlaient-ils encore ? Leur dernière dispute remontait à une semaine et le sujet était concentrée sur une baisse de protection du globe. Apparemment, ils auraient découverts une faille, un trou d'air qui laissait entrer le monde extérieur.
     

    -Princesse, s'il te plaît, retourne dans ta chambre, m'intima Seb.
    -Que se passe-t-il ? Lui demandai-je tandis qu'il me repoussait en arrière.
     

           Je me débattis aussi bien que je le pus pour le repousser. De quel droit m'empêchait-il de savoir ce qui se tramait ? Surtout quand il s'agissait de quelque chose d'important. Ne voulant pas lui faire mal, je le suppliais d'un simple regard. Il me connaissait, il savait que je n'abandonnerais pas aussi facilement alors il céda tout en me demandant d'être prudente et de bien choisir mes mots. Chose presque impossible à réaliser.
           Je retournais auprès de mes parents sous le regard exaspéré de mon garde du corps. J'étais navrée d'être un tel fardeau pour lui, à l'heure actuelle, mais ma curiosité allait en souffrir si je ne la nourrissais pas.
    Je retournais auprès de mes parents en tentant d'attirer leur attention. Ils furent surpris en me trouvant là.
     

    -Sébastian, ne vous avais-je pas demandé de la retenir ? Vais-je devoir vous faire remplacer ? N'êtes-vous pas à la hauteur d'une enfant de dix-huit ans ?
     

          Pardon ? Une enfant ? Je n'étais point cela et Sébastian était bien au-dessus de mon niveau, il ne pouvait juste pas me contrôler quand j'étais déterminée.
     

    -Papa, laisse-le tranquille et dis-moi plutôt ce qu'il se passe !

    -Cela ne te regarde pas. C'est entre l'état et moi, d'ailleurs, ta mère et toi, vous deviez apprendre à vous taire et obéir. Je suis le chef de cette famille et aux dernières nouvelles, je donne les consignes. Maintenant, je gère la situation, vous n'avez pas votre mot à dire.
     

          Il commençait déjà à s'éloigner lorsque ma mère lança la phrase de trop :

     
    -Il s'agit de notre fils ! Tu entends ? Notre fils ! Je ne te laisserai pas bousiller sa vie.
     
            Il rebroussa chemin sous mon exclamation empli de surprise, de questions et se dirigea d'un pas assuré et effrayant vers ma mère. Et j'eus à peine le temps d'avancer lorsqu'il leva la main pour la frapper. Si Sébastian ne l'avait pas retenu, je crois que j'aurais assassiné mon géniteur.
     

    -Monsieur, je pense que vous devriez aller vous calmer, proposa gentiment l'homme.

     
           Mon père regarda d'un air méchant le sauveur de sa femme puis s'éclipsa dans son bureau en claquant la porte ? Qui était l'enfant dans l'histoire, maintenant ? Sa réaction me fit lever les yeux au ciel. Il n'avait jamais agit ainsi, pourquoi ce revirement de situation ? Il n'aimait pas ma mère, je le savais ça mais il n'avait jamais, jamais lever ne serait-ce qu'un petit doigt sur elle.
           D'ailleurs, la concernée tomba à genoux sur la moquette que je demanda silencieusement à Sébastian de nous laisser seule. Il hocha la tête avant de poser une main sur mon épaule et de partir. J'en profitais pour me mettre au niveau de ma mère et lui caressait avec tendresse, le dos. Je la réconfortais comme elle l'avait de nombreuses fois fait avec Théo ou moi.
     

    -Maman, que se passe-t-il avec Théo ?
     
           Elle renifla et fixa ses yeux bleus dans les miens.  Je reçu sa peine comme les lanières d'un fouet. Elle pleurait souvent la nuit,  jamais elle ne se montrait en publique, même à sa famille mais aujourd'hui, tout ça l'affectait. Je devais savoir.
     

    -Tu as entendu ton père ? Cela ne nous regarde pas. Va te préparer, nous avons une soirée importante ce soir.
     

           Sur ces paroles, elle se leva, moi à sa suite. Je la retint par le bras, l'incitant à m'en dire plus. Mais tout ce que j'obtins fut :
     

    -Prends le temps d'aller voir ton frère cette semaine, il est malade. Tu le trouveras à la clinique.
    -Quoi ? Malade ? Comment ça ? Attends !

     
           Mais elle ne m'écoutait plus. Perdue dans cette avalanche de questions qui se bousculaient dans ma tête, je m'effondra sur une des chaises de la table à manger.
    Théo était malade, d'accord. Sûrement rien de grave, nous avions le meilleur médecin et pas particulièrement d'infection à Rosven. Le Globe nous évitait un maximum de virus. Je ne comprenais plus rien, tout peut passer du chaud au froid en l'espace de seulement quelques secondes. C'était si perturbant.

     

     

     

     

          Devant le miroir à pieds, j'admirais la robe que m'avait apporté Sébastian. Elle était bleu foncée avec de fines bretelles et elle accentuait ma taille. J'avais des hanches de femmes, des seins ronds que le tissu soulignait et des avants-bras bien en chair. Mes cheveux noirs avaient été relevés en un chignon par notre coiffeuse. Une machine, programmée pour être au besoin de toute la ville. Son métal était blanc, ses yeux ronds, sa voix cassée. Je me demandais à qui est-ce qu'on avait bien pu emprunter ce son, d'ailleurs.
     

    -Tu es splendide, intervint mon garde du corps.
    -Et toi tu es mon cavalier, souriais-je.
    -Désolé de te décevoir, Princesse mais pas ce soir. Ton père m'a congédié, ajouta-t-il sous mon air interrogateur.
     

        Je me retournais pour lui faire face, choquée et déçu.
      
    -Je n'arrive pas à y croire ! M'indignai-je.
    -Dis-toi qu'au moins, les autres membres de la gent masculine ne verront pas en moi un potentiel concurrent et que tu pourras te faire draguer sans limite.
    -Mais ce n'est pas eux que je veux à mes côtés, c'est toi !
     

           Je soupirais et reportais mon attention sur mon reflet. Quelques minutes plus tôt, je me trouvais plutôt jolie et quand Sébastian me l'avait confirmé, mon cœur s'était mis à battre plus vite. Son avis m'importait beaucoup. Maintenant, je me sentais banal.
           Il se posta derrière moi, posa ses mains sur mes épaules et plongea son regard dans le mien à travers le miroir.
     

    -J'ai quelque chose pour toi, Princesse.
    -Du courage ? Ironisais-je.
    -Mieux.
     

           Il s'éclipsa quelques instants hors de ma chambre puis revint, un paquet dans les mains.
     

    -Qu'est-ce donc ?

     
           Je me dirigeais vers le lit où il déposa le présent et le prit dans mes mains.
     

    -Ouvre, tu verras bien.
     

           J'hésitais un moment avant de déchirer le papier de couleur chocolat. A l'intérieur se trouvait un objet de type téléphone portable mais ça semblait être différent, pourtant ça ne pouvait être autre chose. 

     
    -Un téléphone ? Tu sais très bien que ces machins fonctionnent mal.
    -Ce n'est pas ça. C'est un Talkie Walkie, j'ai le même.
    -Mais ils fonctionnent avec des piles et même mon père n'en possède pas, remarquais-je.
     
           Un sourire énigmatique s'afficha sur son visage.
     

    -Il me sera inutile et à toi aussi.
    -Non, ne t'en fais pas. Règle-toi sur la fréquence deux. Ainsi, nous serons toujours en contact et se sera comme si j'étais là.
    -Les piles finiront pas s'user, tu sais.
    -Tu es exaspérante ! Regarde au fond du paquet.
     
          Je m'exécutais et trouvais trois piles de rechangent. Je ne pus m'empêcher de sourire.
     
    -Où les as-tu eu ? Demandais-je.
    -J'ai mes connaissances, Princesse. Allez, maintenant file, tu vas être en retard.

     
           Je le pris dans mes bras, le serrant aussi fort que possible comme si c'était la dernière fois que je le voyais.
     

    -Je t'aime, tu le sais ça ?
    -Je t'aime aussi, Princesse.
     

          Il garda un instant ses mains sur ma taille et j'ai hais le moment où il les retira. Mais nous n'aurions pu rester ainsi éternellement. Alors j'ai gardé la tête haut, ranger mes biens dans mon petit sac et rejoins mes parents dans le corridor. Un long couloir gris, décorée de différents cadres sans vie.
    Je fixais notre porte blanche en me disant que je pouvais toujours dire non, reculer, courir dans les bras de mon garde du corps. Mais  non, parce qu'il y avait mon père. Parce que je ne voulais pas lui apporter d'ennuis.

     

     

          Je n'étais plus impressionnée par le bâtiment où se déroulaient la plupart des soirées importantes. Il ressemblait à un château sertis d'émeraudes, avec des escaliers interminables et des portes impressionnables. L'intérieur était une parfaite salle de bal, dont la hauteur atteignait sans doute, voir dépassait, notre plus grand gratte-ciel. Des rideaux encerclaient les fenêtres à huit carreaux, la tapisserie représentait différents Dieux, rois, reine ou autres personnes ayant eu une importance dans l'histoire. Le sol était carrelé, le plafond blanc, où quelques chandeliers faisaient offices de lumière. Des buffets étaient mis à disposition ainsi que des serveurs, encore une fois, ce n'était que des machines.
           En revanche, les genre de tenue que les personnes portaient m'étonnaient toujours autant. Elles passaient de couleurs vives, à de plus sombres. Les femmes dévoilaient des robes anciennes, probablement datant du seizième siècle, je ne savais pas, d'ailleurs, où elles avaient pu les dénicher. Peut-être les faisaient-elles elles-même. Les hommes ressemblaient à des paons, avec leur costume multicolore et leur tissu qui couvrait leur nuque et qui s'arrêtait au-dessus des oreilles. Seul mon père était plutôt habillé correctement, d'un costume trois pièces. Je ne pouvais pas dire qu'il n'était pas magnifique, avec ses cheveux noirs dont j'avais hérité, son teint pâle que mon frère possédait et ses yeux verts identiques aux miens.  Quant à ma mère, elle avait opté pour une robe blanche, simple mais élégante. De son côté, je n'avais eu bénéfice que de son nez allongé et fin, sans compter ses lèvres pulpeuses. Autrement, elle était assez maigre et ses cheveux me faisaient penser au soleil levant que je voyais défilé sur l'écran de son ordinateur. Je ne voyais aucun intérêt à être vêtu de la sorte, multicolore, ils accordaient leur cheveux -qui n'étaient que de simple perruques-, à leur vêtements. Il y avait de la créativité mais peut-être un peu trop. Cependant, c'était amusant de constater que chaque personnes ne s'accordaient absolument pas.
           Je regardais les invités danser, s'amuser et remarquais qu'aucun d'eux ne prêtait guère attention aux autres. Tous ici, sans exception, était imbu de leur personne. Jamais ils ne penseraient à aider leur prochain s'ils venaient à être en difficulté. Ce fut pour cette raison que la population se vit de moins en moins peuplées. Mais après tout, s'ils ne respectaient pas les règles, ils mourraient...Voir pire. Je me suis dis que les rejetés aimeraient également pouvoir faire la fête. Ils aimeraient sûrement pouvoir penser qu'à manger à volonté, boire à en perdre raison, s'habiller comme s'ils sortaient droit d'un asile. Mais non, c'était impossible. Même moi qui me posait des tonnes de questions, je ne pouvais imaginer l'Enfer qu'ils vivaient...De l'autre côté. Et puis, ils devaient être des personnes honnêtes, ils ne gaspilleraient par leur temps dans de telles âneries.  Je poussais un soupir qui en disait long sur mon degré d'amusement. C'était sans compter sur un gamin de 16 ans pour me déblatérer des sottises depuis plus d'une heure.
     
    -...Si on calcule bien, nous pourrons vivre encore quelques années. Mais le Globe nous empêche de vivre naturellement alors peut-être qu'il ne nous reste plus que quelques mois. C'est pour ça que je pense que nous devrions danser ensemble.

     
          Quel crétin ! Même s'il ne me restait que cinq minutes d'existence, je ne les perdrais pas à danser avec un individu tel que lui. Et puis, le Globe nous assurait encore une centaine d'années. Enfin, mon père ne me parlait jamais de cela alors...
    Pour toute réponse, je lui lançais un regard noir qui le laissa de marbre. Je n'avais décidément aucune influence, aucune autorité.
     

    -M'accorderiez-vous cette danse ? S'exclama un homme masqué à mon attention. 
     

          Son regard bleu captura violemment le mien, d'une intensité qui m'en fit presque m'évanouir. Il avait cet air sombre qui aurait dû me repousser. Et sa tenue ; un simple jean troué, un t-shirt noir moulant. Rien que ne l'on portait lors d'une soirée de ce genre. Ma première pensée fut qu'il m'avait empêcher plus de temps en compagnie du morveux et la seconde, qu'il devait avoir froid.
     

    -J'étais là avant toi, grogna l'adolescent.
     
           Si j'avais encore eu toutes mes capacités, j'aurais probablement levé les yeux au ciel.
     
    -Sur la planète ?
    -Pardon ?
     

           L'inconnu porta alors son regard sur son interlocuteur. Un regard froid, effrayant.
     

    -Dégage, lui dit-il d'un air plus neutre que ne le laissait paraître ses traits.

     
          Je l'entendis à peine lorsqu'il prit ses jambes à son cou.
         Quant au Mystérieux Inconnu devant moi, il me tendit sa main en guise d'invitation.
     
    -Est-ce raisonnable de danser avec un homme masqué à un bal non masqué ? Demandai-je.
    -Est-ce raisonnable de sauter du toit d'un immeuble ?
     

           Stupéfaite. C'était l'état dans lequel je me suis trouvée. Comment était-il au courant de cela ? Le connaissais-je ? Ou mon père, peut-être ? Toutes ces questions qui se mélangeaient dans mon esprit me donna le tournis. Non, je ne devais pas accepter de danser avec lui.
     

    -Je ne danserai pas avec un homme qui masque son identité et qui semble me connaître, bonne soirée.
     

           J'étais sur le point de m'en aller lorsqu'il m'attira avec force contre son torse et m'entraîna sur la piste.
     

    -On m'avait dit que tu n'étais pas idiote.
     

           Je le regardais avec étonnement et peur tandis qu'il entrelaçait nos doigts. Son toucher me répugna, tout en envoyant des ondes inconnues à mon corps.
           Une musique entraînante avait envahie la pièce et il semblait être un très bon danseur, aussi doué que moi. Pourtant, je ne cessais de lui planter mon talon dans le pied, ce qui n'avait pas l'air  de l'atteindre. 
           Bon sang, mais qui était-il ? Si déstabilisant... Et ses yeux plantés dans les miens, ils ne me lâchaient pas, ils veillaient sur moi, guettaient la moindre de mes réactions. Etait-il fou ? Ou alors, l'étais-je ? Je me faisais probablement des idées, c'était juste un homme qui voulait danser, rien de plus, rien de moins.
           Lorsque la musique cessa, il était sur le point de me dire quelque chose mais quelqu'un l'en empêcha.
     

    -Puis-je vous emprunter votre cavalière ?
     

           Ma surprise fut doublée en reconnaissant la voix de Sébastian, qui, à travers son masque, lançait des éclaires à mon Inconnu. Celui-ci desserra son étreinte autour de ma taille mais ne lâche pas ma main, sourire aux lèvres.

     
    -Je suis désolé mais j'ai prévu de la kidnapper et vous, très cher monsieur, vous êtes à travers mon chemin.
     

           Mes yeux s'écarquillèrent d'eux-même. Me kidnapper ? Etait-ce une mauvaise blague ? D'un goût amer, dans ce cas.

     
    -Navré d'entraver vos plans mais, cette jeune demoiselle, est sous ma protection alors ôter vos sales pattes et aller importuner une autre, voulez-vous bien ?

     
           Devais-je intervenir ? Devais-je dire à mon garde du corps que je ne craignais rien, que ce n'était qu'un petit plaisantin ? Ou devais-je continuer à regarder, sans rien dire ?
           Mais j'avais vu le sourire du mystérieux homme s'agrandir et soudainement, les lumières de la salle de bal se sont éteintes, une par une. Mon cœur s'était accéléré à l'instar des hurlements qui s'étaient élevés. Ils avaient sans doute tous pensé à un courant d'air mais dans tous les cas, pas à une attaque. Ils furent bien étonnés lorsqu'on commença à leur trancher la gorge, silencieusement. Sauf que je les avais vu en suivant le regard l'Inconnu masqué. J'avais voulu reculer, me libérer de sa poigne mais il m'en avait empêché.
            Je ne trouvais plus Sébastian et l'idée qu'on lui fasse dû mal m'effraya. Un coup de pieds bien placé pouvait probablement le faire flancher. C'est ce que je fis. Mais rien, absolument rien.
            Il m'entraîna à l'extérieur, sur le balcon et j'aurais pu être effrayée par la hauteur si je n'étais pas habituée, si je n'étais pas inquiète à propos des invités. Mes parents, Sébastian. Je voulais pleurer mais je n'eus ni l'envie de lui montrer ni le temps de le faire. Il nous bascula de l'autre côté de la rampe, lui à ma droite, retenant mon bras.
     

    -Ma dame, un petit saut, cela vous dit ?
     

            Je notais l'ironie de sa voie avant qu'il nous fasse plonger dans le vide. Je fermais brutalement les yeux en retenant un cri. L'adrénaline, pour le coup, n'étais pas bénéfique ni agréable. Elle était étouffante, oppressante. Elle me donnait envie de mourir.
           Je pouvais sentir l'air sur mes jambes dénudés lorsque ma robe se leva sous la vitesse de notre chute. J'étais à peu près certaine qu'il souriait toujours.
            Lorsque nos enveloppes charnelles rencontrèrent l'eau glacial de la fontaine dans l'arrière cour, je ne respirais plus. Et, l'eau n'étant pas profonde, ma cheville rencontra violemment les dalles et se brisa. Un léger gémissement m'échappa tandis que mon visage se noyait dans ce liquide artificiel. J'aurais dû me souvenir de remonter mes genoux contre ma poitrine. Mais qui réfléchirait dans pareil situation ?
           Je ne sais pas ce qu'il se passa ensuite, je perdis immédiatement connaissance. J'entendis juste des cris et des voies lointaine.

     

     

      (c.B) LIEN


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 18 Mai 2014 à 16:08

    Waouh et bien il y à du suspense dis-moi.

    J'aime beaucoup ce début et la fin aussi mdr, la suite!!!!!

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